19 Mar Le crâne de pierre
Le crâne de Pierre, 2001
Le hasard est un choix, USTL, Villeneuve d’Ascq, 2002 – Musée d’art et d’histoire de Langres, 2004
Musée Archéologique de Strasbourg, 2009 – Habiter poétiquement, LaM, Lille, 2010
Cailloux, colle.
Pebble, glue.
» Après avoir participé à
des fouilles archéologiques préhistoriques, j’ai combiné dans cette
oeuvre trois étapes spécifiques : la fouille, le tri, la reconstitution.
La fouille consiste à gratter, à chercher. Sur un site, chaque
micro-élément découvert peut être le reliquat d’une industrie importante
et est donc conservé. J’ai considéré que sur n’importe quel site,
n’importe quel caillou pouvait avoir 50 millions d’années. Résonnait
alors dans ma tête Futur, ancien, fugitif d’Olivier Cadiot et
cette interrogation : « On ne trouve pas un bras de pierre sans trouver
le reste ensuite : culte, inversion de cadavres? Technique rituelle? »
(1)
Le tri est une pratique qui vaut à certains archéologues novices d’être
surnommés « les mangeurs de cailloux ». Car, pour distinguer un os d’un
caillou, ils le posent sur la langue : si ça colle c’est un os, si ça
glisse c’est un caillou! Par ailleurs, c’est un assemblage de plusieurs
textes qui a produit le crâne de pierre : Molloy de Beckett notamment avec sa « pierre à sucer », La vie de Galilée de Bertolt Brecht avec sa « pierre preuve » et ce très beau vers d’un poète du Nord Pas-de-Calais « Autant que les nuages, un caillou me donnent le vertige. » (2)
Enfin, la reconstitution est un moment particulier : chacun dispose
d’une boîte étiquetée contenant des fragments à partir desquels il faut
construire la forme indiquée alors qu’on pourrait tout aussi bien en
imaginer une autre.
Pour donner de la valeur à des cailloux quelconques, j’ai passé des
heures au pied d’une falaise en Bretagne à trier des cailloux que
j’assemblais un à un pour former le crâne de pierre, une sorte de vanité « métamorphose de l’instabilité des formes du monde » (3) »
Séverine Hubard, extrait d’un entretien avec Albane Duvillier
(1) Futur, ancien, fugitif de
Olivier Cadiot : « Un matin j’avais retrouvé le bras de pierre
découvert autrefois dans la forêt (voir : le bras de pierre ). Bras
replié ressemblant à celui d’un ange de pierre recouvert de moisissure
verte et bleu. On ne trouve pas un bras de pierre sans trouver le reste
ensuite : culte ? Inversion de cadavres ? Technique rituelle ?» édition
P.O.L 1993, l’île, chapitre 38, page 116.
(2) Construire un arbre de Pierre Dhainaut
(3) « …métamorphose de l’instabilité des formes du monde, des
articulation de l’être, la perte d’identité et d’unité, qui le livre
aux changements incessants; elle dit le monde en état de chancellement,
la réalité en état d’inconstance et de fuite, et du même coup, liée à ce
statut, la relativité de toute connaissance et de toute morale » Les traverses de la vanité, texte de Louis Marin extrait de Les vanités dans la peinture au XVIIeme siècle, Musée du petit Palais, 1990