Astelle est un travail que Séverine Hubard a réalisé lors de « Nuit Blanche », festival d’art contemporain qui s’est déroulé dans Paris le cinq octobre dernier.
Pour une nuit, du coucher au lever du soleil, de nombreux lieux, ouverts au public, étaient exceptionnellement investis par des artistes.
Dans la cour XVII ème de l’Hôtel d’Albret, Séverine Hubard a installé non pas une œuvre à voir mais un atelier pour faire : à partir d’un stock de toutes sortes de panneaux de bois provenant de vieux meubles irrécupérables et jetés, l’artiste proposait au public de réaliser, par assemblage, une sorte de construction architecturée tenant à la fois de la sculpture, de l’abri et finalement de la barricade.
Dans cette même cour, d’autres artistes invités eux aussi par Emmy de Martelaere, présentaient à tour de rôle, vidéos, performances ou concerts. Mais, chaque fois qu’une présentation s’arrêtait, Séverine Hubard, avec quelques complices et le public, lançait ce qu’elle a très justement appelé « les moments de suractivité ». Alors, à toute allure on coupait et on assemblait à d’autres les panneaux qu’on avait choisis et la structure proliférait envahissant petit à petit l’espace de la cour. Puis, le programme reprenait, le bruit des scies et des visseuses se taisait ; pour un temps le travail s’arrêtait. Et pour que ce travail, tout comme le stock, soit inépuisable, l’artiste imposa une règle qui voulait que tout panneau choisi soit impérativement coupé en deux, une partie retournant au stock tandis que l’autre allait à l’assemblage. Ainsi le stock était constant en nombre de planches mais elles devenaient de plus en plus petites et cette règle se répercutait sur la forme construite. C’est cette stratégie qui a permis les temps de suractivée bruyante suivis de l’attente silencieuse et des chuchotements puis de la reprise frénétique du travail qui induisait le sentiment d’être dans le feu de l’action, dans l’urgence de construire une barricade et de participer ainsi à un acte de résistance collective. On retrouve là un des thèmes présents dans d’autres travaux de Séverine Hubard1, mais c’était peut-être la première fois qu’elle proposait au public d’être directement actif avec elle. Alors, oui, si en pleine lumière et dans la cour déserte du lendemain la construction était belle, le mieux que l’on puisse encore en dire aujourd’hui c’est : « moi aussi, j’y étais » !
Pierre Mercier
in Echo Eco Echo, édition spéciale de l’Evening Echo, le 5 Décembre 2002, Cork (IE)